En direct d'Haïti

Une rencontre spéciale pour déclarer sa nationalité (avril 2012)

 

Le jeudi 8 mars dernier, le président Joseph Michel Martely a invité des proches de son gouvernement et certains membres du corps diplomatique à participer à un moment important de la vie politique du pays. C’était pour déclarer à la nation qu’il est Haïtien, car depuis plusieurs mois, le doute pesait tellement sur sa nationalité que le Sénat a dû former une commission  pour rétablir la vérité. Mais pour ce faire, il fallait au chef de l’État ou croyait qu’il lui fallait, la présence d’un ambassadeur spécial, en l’occurrence, celui des États-Unis d’Amérique, M. Kenneth Merten, pour confirmer sa nationalité. Quelle atmosphère une telle déclaration a- t- elle soulevée dans le pays ?

 

L’après-midi où la presse a reçu une convocation de la présidence sans l’en informer sur le contenu, une forte  tension a embrasé  le pays surtout  la capitale, une tension qui a été alimentée par la déclaration du sénateur Lambert, qui a annoncé avec conviction qu’il y aurait des troubles dans l’intervalle de 48 heures. Et quelques minutes plus tard, c’était le tour du sénateur Benoît de recommander avec le même ton persuasif à la population de regagner sur le champ ses pénates pour se protéger d’éventuels dérapages de certains secteurs sociopolitiques. Rien de tel après que le président ait procédé à partir du Palais national à la clarification de sa nationalité. Il a seulement choisi une méthode très peu orthodoxe pour y parvenir. Il s’est dit Haïtien en exposant un lot de huit passeports  qu’il avait refusés de soumettre à ladite commission du Sénat. Cependant, il a omis d’ajouter dans sa démonstration une formule qui est devenue rituelle chez nous : n’avoir jamais renoncé à sa nationalité. L’exigence constitutionnelle est double dans ce cas précis ; elle réclame non seulement que l’on soit Haïtien pour occuper certains postes dans l’administration politique et publique, mais aussi que l’on n’ait jamais abandonné sa nationalité de naissance.

 

Pourquoi le président se sentait-il obligé de se faire accompagner d’une organisation religieuse à composition œcuménique et de représentants de pays étrangers pour convaincre les sceptiques sur ce dossier ? Il croyait  fermer  ce dernier avec cet aréopage de  personnalités surtout avec l’affirmation  par M. l’ambassadeur du grand  et puissant voisin du Nord qu’il n’est pas un citoyen américain. Pourtant, ce rassemblement a dans une large mesure intensifié le doute chez une grande proportion de la population.  Plus d’un croit que  le président venait de donner acte, une autre fois encore, d’allégeance aux États-Unis d’Amérique et que parallèlement, l’ambassadeur Merten  avait outrepassé ses droits en acceptant de jouer un tel rôle de médiateur. Le président de la République dispose en tant que premier citoyen du pays suffisamment de moyens et d’espaces pour s’adresser à sa population, d’autant qu’il s’agit d’une situation très délicate. M. Merten a agi en proconsul en se mettant sur un terrain qui n’est pas le sien même si à première vue, il n’a pas accepté de le faire sans une permission express du département d’État. La communauté internationale de toute manière a emprunté maladroitement un chemin pour affranchir d’un mauvais pas quelqu’un qui avait reçu d’elle le plein appui lors des élections peu catholiques de novembre 2010.

 

Nous ne sommes pas au bout de ce tunnel avec tous les rebondissements, disons mieux tous les soubresauts, de cette question de double nationalité.  Que la commission du Sénat arrive à  prouver ce grave manquement à la Constitution ou qu’elle n’y parvienne pas, le pays court le risque de connaître des séances dramatiques de turbulence dans un avenir très proche dont les masses populaires seront les premières victimes directes et indirectes. Aura-t-on besoin des avertissements des sénateurs pour  bien s’en sortir ?