En direct d'Haïti

La MINUSTHA et la souveraineté nationale (novembre 2011)


Chaque mois, Marc‐Arthur Fils‐Aimé, directeur général de l’Institut Culturel Karl Lévêque (ICKL) et partenaire de longue date du CISO, commente pour nous l’actualité de son pays.

 

Le vendredi 14 octobre dernier, le Conseil de sécurité des Nations-Unies a renouvelé, une autre fois, le mandat de la MINUSTHA, cette force d’occupation du sol haïtien. Pour la reconduction de ce forfait, que de mensonges ont été évoqués! Nous n’allons pas les souligner tous, sinon nous serions obligés de reproduire toutes les fausses justifications et tous les considérants enrobés d’hypocrisie qui jalonnent tout le texte. Ainsi contentons-nous d’en citer d’abord cette phrase raciste et  réactionnaire :

 

« Constatant que la situation en Haïti demeure une menace contre la paix et la sécurité internationales dans la région, malgré les progrès accomplis… ».

 

Quelle menace un petit pays sans arme nucléaire et sans navire de guerre peut-elle constituer contre les autres membres de la région? C’est sans doute la fraction de la classe laborieuse appauvrie par ces « puissances bienveillantes » elles-mêmes, qui incarne cette menace. C’est elle qui s’aventure sur des mers défoncées et à travers les barbelés de la frontière commune avec la République dominicaine pour s’offrir une meilleure survie. L’autorisation de traverser l’océan est accordée à la richesse du pays, mais non aux travailleuses et aux travailleurs qui produisent cette richesse. Les forces étrangères se veulent, en l’occurrence, l’une des premières barrières pour contrôler cette émigration haïtienne pendant que parallèlement les grands voisins du Nord nous enlèvent les cadres techniques et intellectuels sans le moindre frais. C’est pourquoi malgré toutes les protestations réclamant le départ de ces soldats et policiers lourdement armés de notre territoire national tant par les Haïtiennes et les Haïtiens vivant dans le pays ou d’outre-mer que par les camps progressistes des pays membres de la MINUSTAH, le conseil de sécurité des Nations- Unies :

 

« Décide de proroger jusqu’au 15 octobre 2012, dans l’intention de renouveler encore le mandat de la MINUSTAH… ».

 

Il invente des prétextes pour couvrir sa pérennité. Et, cette prorogation ne sera pas la dernière, si le secteur progressiste ne se joint pas aux masses populaires pour forcer le retrait de ces troupes qui ne partiront que quand elles le voudront. Ce n’est point une spéculation en nous référant à cette partie de la résolution où il est dit que :

 

« Insistant sur le fait qu’il est essentiel, pour instaurer durablement la stabilité d’Haïti, que des progrès soient réalisés en matière de relèvement et de reconstruction, ainsi que sur le plan du développement social et économique, notamment grâce à une aide internationale au développement efficace et en augmentant la capacité des institutions haïtiennes de tirer parti de cette aide, et réaffirmant que la sécurité doit aller de pair avec le développement social et économique.»

 

Les conditions posées dans ce paragraphe touchent à des points structurels relatifs à notre pauvreté endémique. Malgré tous les compliments décernés à la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti, la CIRH, en dépit de l’inefficacité évidente de cette commission, l’amélioration socio-économique de la population n’est pas pour demain avec la succession des gouvernements néolibéraux qui enfoncent chaque jour davantage l’État haïtien dans la dépendance. D’ailleurs ce même paragraphe exprime sans ambages que la sortie de notre situation doit se faire notamment grâce à une aide internationale au développement. Il n’y a pas même une allusion aux efforts nationaux. Pourtant, cette amélioration réside dans le choix par la majorité populaire d’une politique qui lui accorde la priorité aux besoins essentiels. L’histoire récente après la Deuxième guerre mondiale n’a pas encore confirmé un pays émergé de la pauvreté à partir de l’aide internationale, car toutes les fois que celle-ci, au lieu d’être un appoint à la production nationale, joue le rôle fondamental comme le veut le Conseil de sécurité des Nations- Unies, l’alternative sera toujours retardée.

 

La lutte contre l’occupation a débuté dès l’arrivée des militaires recrutés et envoyés par le Conseil de sécurité des Nations-Unies. Mais, elle gagne du terrain au fur et à mesure que les crimes, les viols jusqu’à l’introduction du choléra, sont découverts par le peuple  haïtien. La politique et les forces intérieures sont toujours déterminantes dans toute opposition avec les puissances externes malgré leur supériorité quantitative. Il revient à la majorité grâce à sa prise de conscience progressive de s’armer de courage pour exiger le retrait inconditionnel des armées multinationales de notre terre.