Un premier ministre remplace un autre (juin 2012)
Un nouveau gouvernement vient de remplacer celui du premier ministre Gary Conille qui n’aura duré que seulement quatre mois. C’est un gouvernement qui n’a existé que de nom durant toute son installation. Le président de la république M. Joseph Martelly qui, sur injonction de la communauté internationale, avait accepté de solliciter auprès des deux Chambres législatives la ratification de ce nouveau venu de la politique haïtienne, et ne lui avait concédé à l’exception du titre, aucun pouvoir. Il lui était impossible de convoquer un conseil de gouvernement puisque les ministres n’y répondaient pas ou méprisaient sans ambages son autorité. Son dernier essai de les réunir, afin de donner une certaine ressemblance d’unité au sein de son gouvernement durant la maladie du chef de l’État, a aussi piteusement échoué.
L’appartenance duvaliériste de ces deux principaux membres de l’Exécutif n’a pas permis de déboucher sur une unité, malgré la provocation d’une mutuelle tolérance. M. Conille a dû démissionner de son poste au cours du mois de février dernier pour le céder à M. Laurent Lamothe, un proche ami du Chef de l’État. La proximité personnelle entre les deux têtes de l’Exécutif suffira-t-elle pour tisser une franche collaboration entre elles ?
C’est de la palissade d’écrire que la collaboration entre le président de la République et son premier ministre s’avère importante pour initier le changement qu’il clamait lors de sa campagne électorale. Et, il continue de le clamer un an après son accession à la plus haute magistrature de l’État haïtien. D’après le président Martelly et ses plus proches collaborateurs, M. Lamothe est le personnage qu’il faut pour la mise en branle de la nouvelle orientation tant attendue. Entre temps, le grand public n’a pas encore perçu les signes du vrai départ alors que le pays s’enfonce dans un inquiétant conservatisme.
Qu’est-ce que la nation peut attendre de M. Lamothe qui, lui non plus, ne s’est jamais occupé de politique active?
Le nouveau premier ministre, à la fin du mois de février et au début du mois de mai, a lu séparément devant les deux Chambres sa déclaration de politique générale. Cela s’est passé dans une ambiance asphyxiante qui a dévoilé une fois de plus le niveau de conscience de la grande majorité de ces représentants du peuple haïtien. Malgré un curriculum qui n’a pas répondu, excepté à son âge, comme a dit la malice populaire, au prescrit de la Constitution, cet homme d’affaires a été ratifié, disons mieux, acclamé au Sénat et à la chambre des députés.
Est- ce que le peuple comme la Constitution sera aussi une fois de plus mis à l’index ?
Nous avons entendu la déclaration de la politique générale du nouveau premier ministre. Elle ne diffère en rien des autres déclarations présentées par ses prédécesseurs à la primature ? De la logomachie, prédisent plus d’un. En effet, M. Lamothe n’a rien apporté de nouveau dans son adresse qui ne vaut pas plus qu’un simple geste administratif, devenu depuis l’adoption de la Constitution de 1987, coutumier. Ce sont toujours les mêmes promesses présentées dans des phrases différentes.
La déclaration générale de M. Lamothe est essentiellement imbriquée dans la ligne politique et idéologique du pouvoir. C’est une politique d’abandon du pays, à la merci des dons et des investissements étrangers, même au détriment de ce dernier. L’exemple de la zone franche installée à Caracole qui présage une véritable catastrophe écologique, non seulement pour toute l’île d’Haïti, mais pour tout l’univers, vu l’importance de la réserve de la baie du même nom en mangrove, demeure emblématique.
Beaucoup de voix se sont soulevées pour dénoncer l’éventuelle pollution des rivières et d’éventuels autres épiphénomènes sociaux conséquemment à ce thanatoprojet. Beaucoup d’études ont montré que cette politique de livrer le décollage national aux zones franches et aux usines d’assemblage ressemble à des leurres. Le nouveau locataire de la primature ne s’en soucie guère.
La déclaration de politique générale du nouveau chef de gouvernement s’est inspirée de la volonté de la classe politique traditionnelle qui ne cesse d’affirmer de façon la plus éhontée, surtout depuis la première occupation américaine de 1915, son cinglant antinationalisme au profit de son avantage égocentrique, exclusif. L’attente de la grande majorité de la population demeure. Il en sera ainsi toutes les fois qu’elle ne pourra s’organiser de façon autonome pour résoudre ses propres revendications.