Conférence RATTMAQ : Compte-rendu et solidarité internationale
Le 17 et 18 décembre dernier s’est tenue la Conférence internationale : Cultiver ensemble le travail décent du Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ). Le CISO y a participé en donnant une présentation lors de l’atelier sur la solidarité internationale.
Cette conférence portait sur la défense et la protection des droits des travailleuse.eur.s migrants temporaires, particulièrement au Canada, au Mexique et au Guatemala. Parmi les activités, un atelier a été donné sur les réalités de travail dans les pays d’origine et la solidarité internationale, une des thématiques centrales du CISO.
L’atelier a été animé par la coordonnation du CISO avec les invité.e.s internationaux suivants :
- Andrea Alejandra Salazar Loyola, Comité Fronterizo de Obrer@s (Comité des travailleurs frontaliers), Mexique
- Leocadio Juracánm, Comité Campesino au Guatemala del Altiplano, Guatemala
- Rosalba Calva Flores, Frente Autentico del Trabajo (Front authentique du travail, FAT), Mexique
- Gabriel Allahdua, Justice 4 Migrant Workers et ancien travailleur migrant temporaire, Toronto
Allocution du Rapporteur spécial de l’ONU et réactions syndicales
La conférence a débuté par une allocution de M. Tomoya Obakata, rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines d’esclavages. Il nous rappelle ses constats lors de sa visite au Canada en fin d’été dernier : les « programmes de travailleurs étrangers temporaires du Canada sont un terrain propice aux formes contemporaines d’esclavage[s] ».
En réaction à son allocution, plusieurs syndicats réaffirment l’importance d’abolir les permis de travail fermés. On rappelle que le Canada nécessite de changer sa vision capitaliste de la migration des travailleuse.eur.s migrant.e.s temporaires. Les travailleuse.eur.s migrant.e.s ne sont pas des marchandises. La dimension humaine doit s’intégrer tout au long de leur séjour dans les pays d’accueil. De plus, on réitère l’importance d’un meilleur soutien des travailleuse.eur.s pour les informer de leurs droits.
Enjeux du travail migrant temporaire
Ensuite, on discute des enjeux actuels liés au travail migrant temporaire. Face à la dispersion géographique des travailleuse.eur.s, il est essentiel de travailler en réseaux pour consolider nos efforts. De plus, un meilleur accès à la résidence permanente et l’implémentation de permis de travail ouvert permettraient une diminution au virement vers l’informalité, voire la criminalité.
On note également que le Canada a une culture de silence. Pourtant, en omettant de discuter de ces enjeux, on nie les réalités vécues par ces travailleuse.eur.s. D’ailleurs, on nous rappelle que la création du Canada se base sur un projet fondamentalement colonial. Par conséquent, l’héritage colonial du Canada transparaît dans son processus de migration, particulièrement dans les programmes de travail migrant temporaire. On conclut que le manque de financement notamment des plus petites organisations sur le terrain entravent leurs offres de services adaptés aux besoins de ces travailleuse.eur.s.
Migration par nécessité
Finalement, on explore les réalités de travail dans les pays d’origine. Dans un contexte où le recours au travail migrant temporaire s’intensifie, on explique que, pour plusieurs, il s’agit d’une migration par nécessité plutôt que par choix. On parle, notamment, des difficultés à l’accès à des emplois de proximité, des conditions de travail difficiles, de la stigmatisation liée aux femmes ayant subi des violences au travail ou encore de l’accaparement des territoires suivi par des déplacements forcés.
Alors que les militant.e.s au sein des pays d’origine luttent pour un travail décent, les inégalités poussent les travailleuse.eur.s à se délocaliser dans les pays comme le Canada. Or, le système économique actuel favorise notamment la précarité, la discrimination, la stigmatisation et le harcèlement des travailleuse.eur.s migrant.e.s autant au Mexique, au Guatemala qu’au Canada. Quel est donc le rôle de la solidarité internationale ?
Pourquoi la solidarité internationale ?
La solidarité internationale permet entre autres de pallier les lacunes des gouvernements en matière du respect des droits humains et des écosystèmes. En effet, Rosalba Calva Flores du Front authentique du travail (FAT) explique que la solidarité internationale constitue « les yeux qui supervisent les gouvernements ». D’un point de vue légal, la solidarité internationale permet de revendiquer pour le respect du cadre juridique international notamment en mettant de la pression sur les gouvernements pour qu’ils ratifient les conventions de l’Organisation internationale du travail.
De plus, travailler en partenariat permet de donner une voix aux personnes dont les droits sont bafoués. Rappelons que la solidarité internationale n’équivaut pas à de la charité. Elle se fonde sur la réciprocité. Il s’agit donc d’un soutien mutuel visant à améliorer les conditions de travail et de vie partout dans le monde.
Après tout, cultiver le travail décent ici et ailleurs requiert un effort concerté par tous les acteurs : il s’agit d’une responsabilité collective !
Dans les mots de Rosalba Calva Flores du FAT, « c’est seulement grâce à la solidarité internationale qu’un autre monde est possible. »