Kidnapping en Haïti, un homme riche et influent accusé
Depuis la fin du mois d’octobre, une nouvelle diffusée dans la presse d’ici et d’ailleurs en a étonné plus d’un. Il s’agit de l’arrestation de Clifford Brandt, membre d’une famille parmi les plus riches du pays. Il est accusé d’être à la tête d’un puissant groupe de kidnappeurs dont des policiers de haut rang tel que le commandant de la Swat Team (force spécialisée au service du Palais National pour assurer la sécurité du président). Certains de ces policiers ont été placés en garde à vue. Le commissaire divisionnaire de la police haïtienne Yves Michel Bellefleur a été assassiné en plein jour le 9 novembre parce qu’il aurait eu beaucoup de choses à révéler comme pion important du réseau. Comment la saga Brandt a-t-elle commencé?
Le 22 octobre dernier, la police haïtienne a procédé à l’arrestation de Clifford Brandt suite à l’enlèvement de Nicolas et Coralie Moscoso, qui a eu lieu le 16 de ce même mois. Ce sont le fils et la fille d’une autre famille très riche du pays. La police a découvert dans l’une des cachettes de Clifford Brandt toute une panoplie d’armes de guerre et des uniformes de police, de la Drug Renforcement Agency (DEA). Elle a récupéré aussi une carte signée par le Palais national, qui ferait de lui un conseiller du président Joseph Martelly. Ce que la présidence a réfuté en démontrant, dans une conférence de presse, la fausseté de cette carte. Un journal haïtien publié à l’étranger, Haïti Observateur, a dénoncé le fils aîné du président comme l’un des membres de ce groupe maffieux. Un imbroglio qui tourmente l’esprit des fractions saines de la société haïtienne.
Traditionnellement, on dit que la bourgeoisie haïtienne s’apparente de préférence à une oligarchie qui ne lésine pas sur les moyens pour s’enrichir. La rumeur publique fait courir le bruit qu’une fraction d’entre cette bourgeoisie participe au trafic de la drogue et au blanchiment d’argent. Des analystes politiques ont toujours critiqué cette bourgeoisie qui concocte toutes sortes de moyens illégaux pour se soustraire à ses devoirs fiscaux et pour ne pas payer le salaire minimum fixé par la loi. Il y a environ cinq ans, par exemple, un des leurs a été électrocuté en branchant une prise électrique clandestine sur le réseau de l’Électricité d’Haïti (EDH). Conservatrice, cette bourgeoisie enlève même le droit à ses employées et ses employés, à ses travailleuses et ses travailleurs de se syndiquer. Cependant, il était difficile de croire qu’elle produirait des gangsters qui pratiqueraient le kidnapping. Pourquoi ce kidnapping a-t-il fait un si grand écho?
Nous avons à faire deux considérations de grande importance pour bien comprendre le déroulement de l’affaire. Une première, les deux jeunes victimes appartiennent à la classe aisée et influente qui a ses tentacules en dehors du pays. Deuxièmement, l’une des têtes pensantes de la bande des malfaiteurs appartient aussi à cette même classe. C’est pourquoi les premiers moments du dénouement de l’affaire ne sont pas venus des forces locales responsables de la sécurité des vies et des biens de toutes les personnes qui se trouvent dans le pays. D’après le Réseau National de Défense des Droits humains, le RNDDH, suite à une demande expresse de Mme Hillary Clinton après la sollicitation du père des deux jeunes, l’identification de ce mauvais coup a été l’œuvre du FBI qui a transmis à la police haïtienne toutes les informations et lui a demandé d’intervenir sur le champ pour libérer les otages et arrêter les auteurs du crime. Il ne revient pas à tout le monde de bénéficier d’un tel intérêt. Un cas d’enlèvement récent à Jacmel a soulevé la colère au niveau de tout le territoire national. Au cours de la fin de la semaine du 15 novembre, un enfant a été emporté par des bandits armés après avoir tué son oncle qui partageait la même maison. Le pauvre enfant a été libéré après le paiement d’une rançon malgré que la population de cette ville ait protesté pendant trois jours consécutifs sous forme de grande mobilisation de rues. Le préjugé de classe s’est installé partout. En effet, depuis quelques années, nous assistons à une remontée en flèche de l’insécurité vers la fin de l’été avant le renouvellement annuel du mandat de la MINUSTAH et vers l’approche des fêtes de fin d’année. Nous nous demandons perplexe pourquoi ces moments de pointe et de baisse. Existerait-il un endroit et des bras qui manipulent la manette de l’insécurité?
Quelle que soit la réalité qui est cachée derrière les accusations portées contre la famille directe du président de la République et de ses proches collaborateurs, un tel évènement rejaillit négativement sur la renommée du pays. La presse internationale qui depuis quelques décennies s’est mise aux aguets pour diffuser des mauvaises nouvelles sur Haïti l’un de ses journaux a trouvé une nouvelle source d’information pour classer toutes les Haïtiennes et tous les Haïtiens dans le même lot infect. Pourtant, la bande des malfrats comme dans tous les pays au monde est toujours minoritaire. Pourquoi ignorer cette majorité formée d’honnêtes gens qui travaillent à la bonne marche de leur pays?
Ce ne sont pas seulement le gouvernement haïtien et la bourgeoisie haïtienne qui sont éclaboussés par ce cas nouveau cas de banditisme qui a fait l’effet d’un maelström. Le pays va continuer à subir les conséquences de cette mésaventure qui a apporté de l’eau au moulin de ses ennemis patents et latents.
Marc-Arthur Fils-Aimé