Poème Ode austérité de Jean Paul Daoust

Ode austérité

Voilà le mot maudit de la rentrée parlementaire

Lâché lousse dans le paysage automnal

Ombrageant toutes les couleurs

Pour les rendre plus drabes

Austérité

Je hais ce mot-là

Avec son aura jansénite

Son air de sœur supérieur

La petitesse de sa perspective

L’anorexie qu’il nous inflige

Tant sur le plan social que culturel

On bâillonne les gens

Silence! on coupe!

Serrez-vous la ceinture bande de caves!

La mienne ne ferait même pas le tour du poignet de Gaétan Barette

Austère vient du mot grec austeritas

Austerus

Qui assèche la langue

Auster est un vent sec du Midi

Mais qui sévit maintenant dans le Nord

Austérité

Austère

Sinistre morosité

Austérité

Le nouveau tic nerveux des politiciens

Fédéraux provinciaux municipaux

Leur grand chœur grisâtre

Qui nous plombe les ailes

Politique de Séraphin pour un pays Donalda

Qui se fait fourrer par des bandes de crosseurs

Cahque jour est une peau de chagrin qui rétrécit

Triste mot pour une époque qui se vante

D’être la plus avant-garde de tous les temps

Alors on coup

Surtout dans la créativité

Comme si les artistes étaient une haie de cèdre à tondre

Austérité

Mot suspendu comme l’épée de Damoclès

Au-dessus de nos richesses culturelles si chèrement acquises

Montréal est la septième ville la plus festive au monde dit-on

Et on la voudrait austère!

Come on!

Cet état de peur que nos élus entretiennent

Le mot inventer a disparu

S’est-il réfugié lui aussi dans les paradis fiscaux?

Pourquoi les bandits à cravate s’en tirent-ils à si bon compte?

Et on demande au peuple de faire comme d’habitude

Payer pour les folies de ceux qui nous dirigent

Le règne de Louis XIV déguisé continue

Militaire dépensier et imbu de son prestige

J’écris ceci avec la nausée au cerveau

Au lieu d’un facelift

C’est un brainlift dont les élus ont besoin

Ils parlent comme des dirigeants de compagnie

Tranchant dans le vif de la culture

Asphaltant la recherche

Asphyxiant l’audace

Tant de beaux acquis qui s’écroulent

Tiens! Je prends un exemple entre mille

Le magnifique Centre Culturel Canadien à Paris

Place des Invalides

Devenue une grosse coquille vide

Cette belle vitrine pour notre culture

Rendue si insignifiante

Car l’austérité est triste

Elle ne sème rien

Et récolte l’ennui

Elle nous force à avoir une gueule de bois

Alors qu’on n’a rien bu

Je dis non à ce mot

Désertique comme une toundra

Menteur comme un pipeline

Imbécile comme un pétrolier

Faux comme une promesse de politiciens

Ceux qui se sont engraissés sur notre dos

Méritent une liposuction

30 milliards en 12 ans contre les talibans

30 milliards!

Et on ose nous parler d’austérité!

En ces temps de solidarité internationale

Ce mot devrait être à leur ordre du jour

Pour y être banni!

Car retenez le ton hautain de ce mot

Ce texte est un F-18 amoché qui revient au bercail

Ce texte est une tête d’autruche dans les sables bitumineux

Ce texte est un cœur magané charrié par un pipeline approuvé

Le Refus Global voulait que l’imagination soit au pouvoir

Faudrait que tous les politiciens le relisent

Et l’apprennent par cœur

Car qui dit imagination dit espoir

Qui dit espoir dit recherche

Qui dit recherche dit création

Et qui dit création dit changer le monde

Hélas! Comme on est loin de ce constat-là

Dieu merci! En ce moment j’ai la chance de vivre

Un magnifique festival de poésie

Du baume sur la sottise dans laquelle baigne

Le plus meilleur pays au monde

Alors je retourne drette-là à Trois-Rivière

Jean-Paul Daoust

Octobre 2014