L’ouverture des classes s’ouvrent dans une ambiance surchauffée (Octobre 2012)
L’ouverture des classes s’annonce difficile pour les masses populaires et pour le gouvernement de Martelly et du premier ministre Laurent Lamothe.
Lundi premier octobre, ce sera l’ouverture de l’année scolaire. En réalité, cette ouverture devait se faire depuis la première semaine de septembre. Le premier ministre Laurent Lamothe l’avait ajournée pour, dit-il, aider les parents ayant de faibles moyens et leur donner le temps de se renflouer. Pour répondre à leurs besoins, le chef du gouvernement a pensé qu’il serait utile de doper l’économie nationale en usant d’un stratagème très simple : créer des milliers de travaux à haute intensité de main-d’œuvre. Il a disposé dans cette logique d’un budget de quelque six cents millions de gourdes. Qu’est-ce qu’un tel remue-ménage des forces travailleuses peut changer?
En effet, à travers la capitale et dans beaucoup d’autres régions du pays, nous voyons des femmes et des hommes, balai en main, nettoyant les rues avec des T-shirts de propagande au profit de l’Exécutif. Sans même avoir pris le soin d’analyser une telle méthode de création d’emplois provisoires, nous pouvons dire qu’elle a très peu modifié le tissu social miné par un chômage qui affecte plus de 70 % de la population. Une situation inhumaine que le passage de l’ouragan Isaac à la fin du mois d’août dernier a empirée. Le prix des produits de première nécessité a considérablement augmenté depuis quelques semaines. Ce dérèglement des prix sous la pression du néolibéralisme et de la mondialisation capitaliste a renforcé la pauvreté structurelle et systémique. Cette avalanche de la pauvreté ne s’arrêtera pas tant et aussi longtemps qu’une nouvelle vision révolutionnaire soit imprimée au pays. Aujourd’hui, Haïti a cédé sa place de pays le plus pauvre du continent américain pour se hisser à celle du plus pauvre au monde d’après une dernière publication du Wall Street Journal de ce mois de septembre.
D’autres éléments parallèlement à la faiblesse économique alimentent la frustration des gens. La perspective des prochaines élections pour le renouvellement du tiers du Sénat et de l’ensemble des Collectivités territoriales préalablement pipées par un conseil électoral totalement au service du président de la République constitue un autre noyau de mécontentement. Même si les grandes masses se sont montrées peu intéressées à ce jeu des marrons politiques, ce jeu ne fait pas moins partie de la déception qui s’amplifie et qui a l’air de contrarier le reste du mandat de Martelly. L’imbroglio de la formation du Conseil Électoral Provisoire ou permanent persiste et tend à se muer en une impasse. La misère s’est jointe aux faux pas politiques de l’équipe dirigeante pour augurer au pays d’un avenir très difficile à décortiquer. On ne peut séparer l’aspect économique de l’aspect politique de la crise puisqu’ils se nourrissent l’un de l’autre.
C’est sur ce fond de crise socio-économique et politique que le monde écolier va reprendre le chemin des classes alors que rien n’a changé chez la forte majorité des parents, que cette reprise fût en septembre ou en novembre-décembre prochain. C’est aussi sur ce fond d’épaisse misère que certains secteurs politiques, de concert avec des organisations dont la plupart n’ont de populaire que le nom, ont réalisé deux fois au Cap-Haïtien, la deuxième ville du pays, des manifestations de rue y entraînant des milliers de personnes. C’est dans une ambiance anti-Martelly que les Cayes, chef-lieu du département du Sud et troisième ville du pays — qui fut le principal bastion du candidat Martelly — ont obéi à une demi-journée de grève très largement suivie. Port-au-Prince et Miragoâne ont aussi connu certaines poches de grogne durant cette même dernière semaine.
De plus en plus de secteurs de diverses tendances reprochent au président Martelly de ne pas respecter ses promesses électorales. Entre-temps, de grands scandales de corruption au sein même de sa proche parenté éclaboussent son pouvoir. Il a juré lors de sa campagne électorale de rompre avec le passé, mais avec un passé qu’il a pris le soin de circonscrire autour des vingt-cinq dernières années. Il s’est adressé, sans nul doute, aux lavalassiens originaux et de deuxième ordre, car ce sont eux qui ont occupé le pouvoir pendant une grande partie de cette période même en empruntant des noms différents.
Il est vrai que les maux qui rongent la charpente socio-économique du pays sont systémiques et vieux de plus de deux siècles. Est-ce une raison pour ne jamais s’y attaquer? Tous les politiciens haïtiens, arrivés au pouvoir, ont toujours évoqué ce prétexte pour s’aligner sur la tradition. Ils sont toujours très prolixes en promesses et très sobres en la concrétisation de ces promesses. Le pays attend une nouvelle génération de la classe dirigeante. Celle-ci ne sera pas caractérisée ni déterminée par l’âge de ses membres. Elle sera de préférence mue par une vision de lutte clairement formulée contre ce système éculé, mais résilient qui esquinte partout dans le monde et qui a fait son temps. Il revient à la participation active de forces nouvelles de le transformer.
Marc-Arthur Fils-Aimé
23 septembre 2012