En direct d'Haïti

Lettre au premier ministre en solidarité avec les travailleuses et travailleurs d’Haïti

Monsieur le Premier Ministre,

Nous, les signataires de cette lettre, sommes extrêmement inquiets face à la montée des violences et de l’insécurité pour la population haïtienne, et à la tolérance de plus en plus grande envers des gangs armés par les forces policières et par le gouvernement haïtien.

 

Nous dénonçons la criminalisation et les actions punitives contre les dirigeantes et dirigeants syndicaux haïtiens par le gouvernement de Jovenel Moïse, notamment au vu des récents transferts (Magalie George et Georges W. Franck), de la suspension de salaire (Josué Mérilien) et de l’émission de mandats d’arrêts (Josué Mérilien, Jeanty Manis, Wilmann Joseph, Adeka Israël, Eliscart Jimmy, Exantus Rigaud) à l’encontre de dirigeantes et de dirigeants syndicaux de l’éducation, avec la complicité de M. Pierre Josué Agénor Cadet, le ministre de l’Éducation.

Selon nos partenaires syndicaux et de la société civile d’Haïti, la répression des mobilisations sociales et des acteurs sociaux demandant le respect des droits humains en Haïti fait de plus en plus craindre la mise en place d’un système répressif et autoritaire, et ce, dans le contexte d’une vaste impunité envers les groupes et individus qui terrorisent la population.

Ce climat délétère rend la tenue d’une élection et d’un référendum sur la constitution, de manière précipitée et sans l’appui de la population et de l’opposition, complètement inappropriés pour répondre à cette série de crises, le contexte ne permettant pas un débat démocratique sain. Ces élections et le référendum risqueraient même d’intensifier les violences et l’intimidation par les gangs armés.

Nous, les organisations signataires, dénonçons l’appui du gouvernement canadien au gouvernement de Jovenel Moïse, criminel et corrompu, et demandons au gouvernement canadien de lui retirer son appui politique, diplomatique et financier dans les plus brefs délais. Nous demandons aussi au gouvernement de s’abstenir de faire pression pour des élections rapides en Haïti, puisque de telles élections, dans le contexte d’une très grande instabilité, ne constitueraient en rien un processus démocratique, d’autant plus que le projet de référendum constitutionnel qui y est adossé par le gouvernement haïtien irait à l’encontre de la Constitution.

Nous dénonçons notamment les actions et inactions suivantes du gouvernement haïtien :

  1. Il tolère les crimes de gangs armés sur son territoire et le climat de violence qui dure déjà depuis plusieurs mois, terrorisant la population, les acteurs sociaux et minant le débat social qui seul permettrait une sortie de crise adéquate pour le plus grand nombre ;
  2. Il criminalise et réprime les luttes des travailleuses et travailleurs, ne protège par leur intégrité physique et a émis des mandats d’arrestation illégaux et politiques, notamment envers les militants syndicaux de l’éducation;
  3. Il ne négocie pas de bonne foi et fait traîner le processus de négociation avec les travailleuses et travailleurs de l’éducation, notamment de la Plateforme des syndicats enseignants haïtiens (PSEH), qui demande en particulier le paiement des arriérés salariaux, la majoration salariale et la juste valorisation du rôle d’enseignant depuis déjà trop longtemps;
  4. Il menace de privatiser des services publics, comme les services d’eau et d’électricité, alors que la population qui souffre déjà des conséquences économiques et sociales de la pandémie ;
  5. Il maintient ou est inactif face à l’impunité, que ce soit celle des agents de l’État dans des cas de corruption massifs comme le scandale de Petrocaribe, ou encore en cas de massacres et d’assassinats qui se font de plus en plus fréquents;
  6. Il affaiblit le mouvement syndical en empêchant la cotisation à la source pour les membres de la Fédération des syndicats de travailleurs de l’électricité d’Haïti (FESTREDH).

D’avance, nous vous remercions de la considération que vous apporterez à la présente et vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de nos salutations distinguées.

Le Centre international de solidarité ouvrière (CISO)

Liste des co-signataires :
Alternatives
Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)
Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI)
Les Artisans de paix internationale
Carrefour de solidarité internationale de Sherbrooke
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Centre justice et foi (CJF)
Comité de solidarité internationale de Trois-Rivières
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Conseil central Montréal métropolitain- CSN
Conseil régional FTQ du Montréal métropolitain (CRFTQMM)
Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ)
Syndicat des Métallos du Québec
Les YMCA du Québec

C.c.
Monsieur Jovenel Moïse, Président d’Haïti
Monsieur Bernard Sainvil, Doyen du tribunal de première instance de Port-au-Prince
Monsieur le Commissaire Ducamel Gabriel
Monsieur François-Philippe Champagne, Ministre des Affaires étrangères du Canada
Monsieur Stuart Savage, Ambassadeur du Canada en Haïti