Les États-Unis publient une liste de 122 produits fabriqués par des enfants ou sous la contrainte
Source : Groupe investissement responsable inc. (GIR)
Vol. 9, no 37, semaine du 21 septembre 2009
Les États-Unis publient une liste de 122 produits fabriqués par des enfants ou sous la contrainte
Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), plus de 200 millions d’enfants de 5 à 17 ans travaillent dans le monde. Près des trois quarts d’entre eux sont impliqués dans les pires formes du travail des enfants, notamment la traite, les conflits armés, l’esclavage, l’exploitation sexuelle et les travaux dangereux. Dans une publication récente, le Bureau international du travail (BIT) rappelait « qu’il existe un lien étroit entre la pauvreté des ménages et le travail des enfants et que le travail des enfants perpétue la pauvreté de génération en génération en les tenant à l’écart de l’école et en limitant leurs possibilités de promotion sociale ».
Pour des raisons évidentes, l’exploitation des enfants représente un enjeu social très important. Or, les consommateurs, les investisseurs, les entreprises et les gouvernements disposent désormais d’un nouvel outil pour lutter contre ce fléau. Le ministère du Travail des États-Unis a en effet publié, le 10 septembre 2009, des rapports sur le travail des enfants et le travail forcé, incluant une liste de 122 produits provenant de 58 pays, qui seraient le fruit du travail forcé, du travail des enfants ou des deux à la fois. La ministre du Travail, Hilda L. Solis, souhaite que les différentes parties prenantes utilisent cette information et usent de leur pouvoir économique en vue d’éradiquer le travail forcé et le travail des enfants.
D’après cette liste, il s’avère que davantage de biens ont été produits par des enfants. Les secteurs agricole, manufacturier et minier sont les plus susceptibles de recourir au travail forcé et au travail des enfants. Parmi les biens qui reviennent le plus fréquemment, on retrouve donc plusieurs produits agricoles, dont le coton, la canne à sucre, le tabac, le café, le riz et le cacao, des produits manufacturés, tels les briques, les vêtements, les tapis et les chaussures, ainsi que des produits de l’exploitation minière, soit l’or et le charbon. Par ailleurs, l’Inde, le Myanmar (Birmanie), le Bangladesh, le Brésil, la Chine, les Philippines, le Mexique et l’Argentine se distinguent par le nombre particulièrement élevé de produits issus du travail des enfants ou du travail forcé.
Mentionnons qu’il faut éviter de faire des généralisations à partir de cette liste. Comme l’indiquent les auteurs du rapport, la mention d’un bien produit dans tel pays ne signifie pas que toute la production de ce bien dans ce pays implique des enfants ou des victimes du travail forcé, mais plutôt qu’il est fréquent que l’on ait recours au travail forcé ou au travail des enfants dans la production de ce bien dans ce pays.
Un outil intéressant pour les investisseurs responsables et les défenseurs des droits humains
La publication de la liste a été saluée par Calvert Investments, l’American Federation of Teachers et l’International Labor Rights Forum (ILRF). La firme d’investissement Calvert estime ainsi que cette liste va l’aider à filtrer les investissements douteux sur le plan éthique. Pour sa part, l’ILRF remarque que la liste inclut plusieurs industries et pays qu’il a déjà ciblés pour leur recours au travail des enfants; l’organisme mène ainsi depuis plusieurs années déjà des campagnes visant l’élimination du travail des enfants dans les champs de coton indiens et ouzbeks, dans les plantations libériennes d’arbres à caoutchouc, dans les plantations de cacao de l’Afrique de l’Ouest, ainsi que dans les champs de tabac du Malawi. Tim Newman, de l’ILRF, a confié à la CBC que la liste pourrait aider les consommateurs à soutenir les produits d’entreprises qui utilisent des programmes de certification ayant des normes de travail élevées.
Les défis qui attendent les entreprises
Bien que le ministère du Travail n’ait nommé ni les entreprises qui ont recours au travail forcé ou au travail des enfants ni celles qui achètent les biens mentionnés sur sa liste, il a toutefois créé une pression supplémentaire sur les entreprises pour qu’elles s’assurent que leur chaîne de production soit exempte de ces formes d’abus. À titre d’exemple, des entreprises, telles que Gap, Levi Strauss & Co., Tesco plc, The Walt Disney Company et Wal-Mart, ont décidé de boycotter le coton ouzbek après que le recours au travail forcé des enfants par le gouvernement ouzbek ait été dénoncé et que des investisseurs responsables leur aient demandé d’expliquer comment elles traitent les atteintes aux droits des enfants en Ouzbékistan. De même, dans l’industrie du chocolat, Cadbury a été citée en exemple et s’est taillée une réputation enviable par rapport à ses concurrentes en annonçant que l’une de ses plus populaires tablettes de chocolat serait désormais certifiée Fair Trade sur différents marchés.
Pour bien des entreprises, le défi s’annonce corsé. L’Associated Press a ainsi soulevé le cas de Coca-Cola, qui achète de la canne à sucre de différents pays. Or, d’après la liste, sa production dans 14 pays implique souvent le recours au travail des enfants ou au travail forcé. Une porte-parole de l’entreprise, Kerry Kerr, a affirmé à l’agence de presse que Coca-Cola évalue régulièrement ses fournisseurs pour s’assurer que de bonnes politiques et pratiques sont en place afin d’éviter le travail des enfants.
(Sources : site Internet de l’OIT, consulté le 16 septembre 2009; « U.S. lists countries exploiting child labour », CBC News, 11 septembre 2009; Bureau of International Labor Affairs, U.S. Labor Department issues reports on international child labor and forced labor, 10 septembre 2009; ministère du Travail des États-Unis, The Department of Labor’s List of Goods Produced by Child Labor or Forced Labor, 10 septembre 2009; American Federation of Teachers, Calvert Investments et ILRF, US Department of Labor Includes Uzbek Cotton on List of Products Made by Forced, Child Labor, 10 septembre 2009; ILRF, US Department of Labor Lists Cocoa, Cotton and Other Goods as Products Made by Forced, Child Labor, 10 septembre 2009; Sam Hananel, « Labor Department exposes goods made by child labor », Associated
Press, 10 septembre 2009; BIT, Les règles du jeu : une brève introduction aux normes internationales du travail, édition révisée 2009)
Pour consulter la liste des produits «The Department of Labor’s List of Goods Produced by Child Labor or Forced Labor» publié par le ministère du Travail des États-Unis