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Les engagements de Martelly (juillet 2012)


Le président Martelly pourra-t-il concrétiser ses engagements pré et post électoraux ?


Depuis l’accession de Michel Joseph Martelly à la première magistrature de l’État haïtien, le pays saute de crise en crise. La plupart de ces crises proviennent d’une source principale. Elles ont pour  base le comportement du président  de la République vis-à-vis certaines fractions du Parlement ou de certains courants de la classe des politiciens traditionnels pour des raisons beaucoup plus claniques qu’idéologiques. Parmi les multiples évènements qui ont illustré ce dire, nous pouvons citer l’exemple de la nomination  de Garry Conille comme étant son  premier Premier ministre. Cette nomination a été une imposition  de la communauté internationale que le nouvel élu n’a jamais acceptée. On dirait que la nouvelle famille dirigeante qui évolue autour du Palais présidentiel  ne s’est pas laissé prendre au piège. Ce fut le premier gros accroc qui devra sceller toute la présidence de M. Martelly. Cet évènement a paralysé le conseil de ministres au profit des attachements directs et personnels à M. Martelly. Cela ne saurait rester sans aucune conséquence sur l’administration publique.

 

Ce faux départ a déjà entraîné une suite de turbulences politiques qui ont embrumé l’atmosphère sociopolitique du pays et vont entacher les quatre dernières années du mandat quinquennal du président. Celui-ci aura à  vaciller entre ses promesses qui tombent de plus en plus drues et les moyens réels de les réaliser. À  moins qu’il modifie son personnage artistique en un vrai homme politique et se place à la hauteur des revendications de la grande majorité de la population. Une telle décision exigerait de lui une certaine autonomie face à des puissances étrangères, grandes, moyennes et de plus en plus petites qui ne lésinent pas sur les moyens pour le contrôle du pays. In limine litis, la dépendance économique se veut déjà un obstacle de taille. Et ce aussi longtemps qu’il n’y a pas de la part des autorités étatiques de grandes et braves mesures tendant à la récupération de la souveraineté nationale, la gouvernance de la barque nationale. Le budget de la République, car il est osé de parler de budget national, repose pour plus de 60% sur la bonne foi des donateurs d’outre-mer.

 

Il existe de grandes possibilités que le reste du mandat du président soit marqué au niveau social et politique par des soulèvements populaires spontanés pour demander la concrétisation des engagements pré et post électoraux. En effet, une proportion assez significative de la jeunesse, surtout défavorisée, croyait au changement véhiculé dans tous les discours du candidat et de l’élu sous la bannière de Repons peyizan. Après une année au pouvoir, la politique traditionnelle persiste partout et en tout. La conjoncture court le risque d’être aussi soutenue par des désordres conçus dans les laboratoires des politiciens traditionnels en quête de pouvoir de connivence avec certains intérêts étrangers. Malheureusement, ces femmes et ces hommes ne visent point une amélioration sensible de la situation de pauvreté qui est en train de détruire le tissu social national, une pauvreté qui engrange de plus en plus de nouveaux espaces sociaux. Ils se lancent plutôt vers leur autosatisfaction et celle de leurs clans.

 

Au niveau économique, la production nationale ne se donnera pas un nouveau départ avec les zones franches qui s’implantent dans des zones fertiles du pays, malgré les cris d’avertissement des secteurs de différentes tendances. L’assemblage n’a jamais développé en lui seul et de façon isolée, un pays.  L’espoir de l’équipe autour du Palais national repose aussi sur le tourisme en dépit d’une infrastructure presqu’inexistante, de l’insalubrité envahissante et de tout autres problèmes qui interdisent l’épanouissement de ce secteur.  Avec l’ouverture des marchés au grand commerce international, le secteur agricole tend à être réduit à une peau de chagrin. Si les responsables des différentes instances nationales ne produisent pas les moyens pour arrêter cette ouverture sans principes, la situation des paysans producteurs empirera et affectera sans nul doute la structure de leurs organisations. Celles-ci contribuent progressivement au processus démocratique du pays. Leurs membres sont de plus en conscients d’occuper les fauteuils des collectivités territoriales avec une politique de proximité.  Malgré l’hémorragie des tonnes de terres arables chaque année vers les océans, les parcelles des paysans demeurent encore capables de rendre toutes les fois que l’on, dans un premier temps, circonscrit cette détérioration de l’état déjà lamentable de l’environnement pour entamer sans désemparer son processus de bonification et de transformation.

 

Cette volonté erratique plus proche d’un populisme rétrograde que de toute autre chose n’augure pas bien de l’avenir  des cinq prochaines années. Une aile importante des politiciens traditionnels se montre déjà dans une opposition active pour lui tendre des embûches  sur tout son parcours. L’aile progressiste des milieux rural et urbain s’organise pour pénétrer de façon autonome le champ politique qu’elle avait délaissé au profit des lavalassiens  contrôlés et dirigés par l’ex-président Aristide. L’accompagnement des organisations de base reste encore un pont nécessaire pour garantir l’avenir de la démocratie en Haïti.

 

Marc- Arthur Fils-Aimé

Directeur Général de l’ICKL