La pétrolière canadienne Pacific Rubiales en Colombie Certification équitable, vous dites ?
Nous avons récemment appris que la compagnie Pacific Rubiales a reçu la certification équitable pour la production de pétrole dans les sites Rubiales et Quifa en Colombie, délivrée par Equitable Origin, d’après un processus mené par Deloitte Colombia. Cette nouvelle est une aberration. Elle ôte de manière définitive toute crédibilité au processus de certification équitable.
La compagnie Pacific Rubiales Energy, une entreprise majeure d’extraction pétrolière enregistrée au Canada, a été reconnue coupable en 2013 de multiples violations aux droits du travail et de l’environnement et aux droits autochtones, par le Tribunal populaire sur les politiques extractives en Colombie.
Cette certification équitable a été émise pour la toute première fois dans le monde à Pacific Rubiales pour « sa performance exemplaire sur les plans social et environnemental » au regard de sa production de pétrole en Colombie. Mais la pratique quotidienne de cette pétrolière canadienne dans ce pays jette un total discrédit sur ce processus de certification.
C’est dans le département du Meta que se trouve le principal champ pétrolier de l’entreprise canadienne, entreprise qui compte plusieurs filiales dans les secteurs pétrolier et minier en Colombie. L’extraction pétrolière est la cause d’une diminution importante du volume d’eau, par ailleurs de plus en plus contaminée et source de maladies de la peau chez les habitant-e-s du territoire où vivent les peuples autochtones Sikuani. Un comité citoyen s’est mobilisé devant l’édifice de Pacific Rubiales à Bogota en mai 2014, exigeant que les autorités colombiennes révisent l’ensemble des licences environnementales de l’entreprise.
Une récente investigation sur la contamination de l’eau à Campo Rubiales, coordonnée par le Projet Accompagnement Solidarité Colombie, avec l’appui du Centre de recherche interinstitutionnel en toxicologie de l’environnement de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), révèle des taux alarmants d’hydrocarbures dans plusieurs échantillons prélevés.
En 2011, une sentence de la Cour constitutionnelle colombienne (T-693/11) rappelle que le principe de consultation préliminaire des peuples autochtones n’a pas été respecté et condamne Meta Petroleum/Pacific Rubiales à payer un dédommagement de près de 2 millions de dollars américains à la communauté Achagua pour dommages sociaux, environnementaux et culturels.
Ces mêmes impacts ont pu être observés sur des territoires ancestraux sacrés des Sikuanis sur lesquels la compagnie a procédé à la construction d’un oléoduc sans respect du principe de consultation préalable. L’armée et les forces de police colombiennes surveillent ce barrage. Embauchant environ 14 000 travailleurs, Pacific Rubiales a recours à 6000 hommes armés (police, armée et forces de sécurité privée) pour protéger ses installations.
Le jury du Tribunal populaire a également condamné la pétrolière pour violation du droit d’association syndicale, du droit au travail (conditions de travail, embauche et taux salarial en violation des normes colombiennes) et des droits de la personne (agressions contre les ouvriers syndiqués, menaces de mort, attentats, diffamation, tentatives d’assassinat). En 2011, afin de sortir d’un conflit de travail provoqué par des conditions de travail inacceptables (contrat de 28 jours, mauvaises conditions sanitaires, de salaire, de santé, etc.), l’entreprise a implanté un syndicat patronal en imposant l’affiliation à celui-ci afin de se défaire du syndicat pétrolier colombien, la USO. En décembre 2012, Milton Rivas, travailleur affilié de la USO, a été assassiné.
Vers la fin de l’année 2013, plusieurs syndicalistes de la USO ont été arrêtés en lien avec leur activité syndicale. Campo Elías Ortiz, Héctor Sánchez et José Dilio Naranjo ont été détenus durant 75 jours. Leur libération conditionnelle en attente de procès a été octroyée le 17 février 2014 suite à la pression internationale. Malheureusement, Dario Cardenas, vice-président de la USO-Meta, arrêté le 2 novembre 2013 à Villavivencio, est toujours détenu.
En mai 2014, les habitant-e-s de la région ont observé l’arrivée de 700 hommes armés et la mobilisation de troupes paramilitaires. Dans une région pétrolière, c’est rarement une coïncidence, au dire des experts. L’Agence nationale de licence environnementale (ANLA) s’est rendue en juillet 2014 sur le terrain en présence de membres de la communauté et d’organismes comme le Projet accompagnement solidarité Colombie afin de vérifier les faits : la caravane a été suivie en permanence par des véhicules sans plaque d’immatriculation, dont les passagers photographiaient des témoins locaux.
Rappelons qu’il y a quelques mois, le Front commun contre le renouvellement du contrat de Campo Rubiales a été lancé. De nombreuses organisations syndicales, incluant la CUT et la USO, l’ensemble des représentant-e-s élu-e-s du Polo Democratico ainsi que plusieurs ONG se sont unis pour s’opposer au renouvellement du contrat d’exploitation entre Pacific Rubiales et Ecopetrol qui arrivera à échéance en 2016.
Comment croire qu’une certification équitable puisse être émise à Pacific Rubiales Energy pour ses activités à Rubiales et Quifa en Colombie, alors que cette compagnie continue de violer les droits humains, d’entretenir et de profiter du conflit social et armé dans le pays ?
Jacques Létourneau, Président, Confédération des syndicats nationaux
Jean-François Dupuis, Président, Projet accompagnement solidarité Colombie
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Projet Accompagnement Solidarité Colombie PASC
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