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L’avenir des prochaines élections relatives au renouvellement des Collectivités territoriales et du tiers du Sénat

Depuis l’année dernière, des élections devaient avoir lieu pour le renouvellement des Collectivités territoriales et du tiers du Sénat. Des blocages de natures diverses ont soulevé des débats sans issues au sein de la classe politique traditionnelle et électoraliste. Des entraves de toutes sortes ont ponctué du début jusqu’à aujourd’hui le processus visant à conduire à la réalisation de ces élections. De chaque semblant pas positif émerge une nouvelle complication. Nous sommes maintenant à un nouveau tournant de cet épisode avec la création d’un Collège transitoire de Gestion du Conseil électoral permanent, une invention abracadabrante pour plaire en même temps au pouvoir exécutif qui veut le gâteau entier et à certains membres du pouvoir législatif qui aimeraient que le jeu soit plus transparent. On pourrait dire « À malin, malin et demi ». Cette situation a créé de profonds malaises tant en Haïti que chez les pays dominateurs, dans chacun des camps pour des raisons qui leur sont propres.

En effet, ladite communauté internationale, impatiente, est sortie de ses gonds pour passer sans aucune réserve diplomatique des ordres aux responsables politiques du pays. Elle n’entend pas perdre son contrôle politique sur le pays non seulement pour les raisons géostratégiques de toujours, mais aussi pour les nouvelles donnes économiques. L’on vient de dévoiler publiquement l’ampleur de la richesse de notre sous-sol qui est évaluée à des dizaines de milliards de dollars américains. Le souci immédiat est de s’entourer d’autorités « irresponsables », désinvoltes pour la perpétuation du pillage de nos ressources naturelles. Sans  sourciller sur les erreurs qu’elles ont commises en validant les fraudes qui ont porté le président Martelly et la grande majorité des législateurs au pouvoir, les grandes puissances occidentales continuent à s’engluer avec la même arrogance dans nos affaires internes grâce cependant à la complicité de la plupart des politiciens traditionnels, qu’ils soient perchés au pouvoir ou qu’ils rôdent autour du pouvoir. Le tort n’incombe pas uniquement aux actuels dirigeants et dirigeantes. Ils ont hérité d’un système duquel ils sont incapables de se détacher puisqu’ils participent de la même famille idéologique antipopulaire.

C’est dans cette perspective que l’ambassadrice des États-Unis, Mme Pamela White, accompagnée de la chef du cabinet de l’ex-secrétaire d’État, Mme Hillary Clinton, s’est rendue une autre fois le mercredi 6 février dernier au Parlement. Sous le sempiternel prétexte d’une visite de courtoisie, elles ont réuni sans aucun avis préalable le président du Sénat, M. Simon Dieuseul Desras et celui de la Chambre basse, M. Jean Tolbert Alexis, pour exiger d’eux l’organisation des élections. Le gouvernement américain, d’après les deux émissaires, dispose déjà de 15 millions de dollars pour les réaliser. Le Canadien Nigel Fisher, le représentant spécial par intérim du secrétaire général et chef de la Mission des Nations-Unies pour la Stabilisation d’Haïti(MINISTAH), avec le même irrespect, s’est présenté quelques jours après au Sénat de la République sans aucune invitation, ni demande de visite pour passer des ordres à des gens pour lesquels le peuple a voté pour le représenter au sein du pouvoir législatif. Les nouveaux commandeurs, pleins de leur outrecuidance, ne s’embarrassent désormais d’aucune formule diplomatique pour exhiber leur prédominance.

Immédiatement, après l’ingérence de ces personnes, les deux chambres haute et basse se sont accordées sur une formule pour former une commission ayant pour tâche de choisir les trois autres personnalités pour compléter les neuf membres du Conseil de gestion provisoire. Le blocage qui était porté sur le nombre de députés et de sénateurs à cette fin s’est fissuré suite à une compromission vite trouvée. C’était, en réalité, pour ouvrir une porte et pour la refermer immédiatement, car les neuf députés et les huit sénateurs choisis n’arrivent pas à s’entendre sur la façon de faire fonctionner cette délégation issue des deux branches du Parlement.

S’agirait-il d’une contradiction de ma part en parlant de l’obéissance et de la résistance d’une même équipe face aux mêmes contraintes étrangères? Comment y voir clair dans cet imbroglio qui semble se corser davantage?

La dénonciation du sénateur Jean William, l’un des membres de la nouvelle commission bicamérale, a mis à nu l’existence d’au moins deux camps dont l’un défend la position du chef de l’État en cherchant à protéger ses propres ambitions en vue des  prochaines joutes électorales, et l’autre compte, avec une certaine naïveté, offrir à la nation des élections plus ou moins crédibles. En dépit de toute leur incongruité, les diplomates ne parviennent pas à étouffer les divergences entre les différents acteurs et actrices sur le terrain malgré leur soumission, car en matière politique, les intérêts personnels jouent en général un poids considérable. En dernière instance, sauf des mesures drastiques de la part de l’international lorsque leurs besoins égoïstes se font vraiment sentir, c’est le national qui maintient le dernier mot. D’autant plus que ces divergences ne relèvent que de simple contradiction secondaire entre les locaux et les internationaux. En plus, le temps joue en faveur de ces derniers qui détiennent le cordon de la bourse.

Cette impasse durera longtemps même après que l’on aura trouvé des solutions pour l’organisation des prochaines élections. Ces solutions resteront passagères tant et aussi longtemps que les masses populaires ne s’investiront pas consciemment dans la lutte pour mettre fin à toutes les manœuvres politiciennes qui se tissent en leur nom. L’urgence de la construction du Camp du Peuple, « Kan Pèp La » se fait sentir avec plus de force.


Marc-Arthur Fils-Aimé

Directeur général de l’ICKL

22 février 2013