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Haïti reçoit le Ve sommet des pays de la grande Caraïbe. Quel en est le bénéfice?

Du 23 au 26 avril, Haïti sous la houlette du gouvernement Martely /Lamothe reçoit le Ve sommet des pays de la grande Caraïbe, connu sous le nom de « Association des États de la Caraïbe » (AEC). Celle-ci est composée de 25 nations baignées par la Mer des Caraïbes, mais dotées de langues et de cultures diverses du fait qu’elles ont été colonisées par des puissances européennes différentes et ont connu des phases historiques distinctes. Il y a eu des présidents de la République, des chefs de gouvernement et des délégués de hiérarchies diverses qui ont répondu à cette invitation. À étudier l’agenda de cet évènement, l’on se demande si le résultat attendu a valu une telle concentration d’énergie et un tel déploiement de dépense des devises publiques. Les responsables nationaux ont consenti pour la réussite du sommet, d’après leur propre chiffre, près d’un million de dollars américains, soit 40 millions de gourdes.


Quel en est le bénéfice dans une situation où l’échelle des priorités s’avère difficile à être conçue tant que ces priorités sont nombreuses et aussi urgentes les unes que les autres? Au cours de cette même année, c’est la deuxième grande convocation internationale du gouvernement haïtien. Le 24 février dernier, il a réuni des membres de la « Caribbean Community », la CARICOM, toujours avec le même épanchement de luxe. La seule explication relative à ces activités consommatrices de fortes sommes d’argent que les autorités locales ont fournie au public est de donner plus de visibilité à Haïti, d’améliorer son image sur la scène internationale.


Il est vrai que la grande presse internationale de concert avec de grandes puissances privées et publiques internationales s’acharne à enlaidir plus que la réalité l’indique, la renommée du pays. Bien des raisons sont cachées à cela, car Haïti ne connaît pas de taux de criminalité plus élevés que bien d’autres pays voisins. Malgré le spectre grimaçant, de la corruption qui dénature son visage, l’ancienne perle des Antilles dans l’optique de la France coloniale, n’est pas la pire des pires. Cependant, est-ce de cette façon médiatique que le pouvoir peut arrêter cette mauvaise impression du pays à l’étranger en investissant à fond perdu la caisse publique? D’ailleurs, les grandes agences de presse internationales qui s’abattent, avec un mépris dépourvu parfois d’aucune enquête ou d’aucune analyse sérieuses, comme sur une proie faible sur les faits malheureux qui endeuillent le pays, n’ont rien mentionné de ces quatre jours de réunion. Ce manquement relève-t-il du simple hasard donc? Ces mesures d’après nous sont superficielles et même pernicieuses. Il serait mieux que ce gouvernement qui malencontreusement, comme ses prédécesseurs, est mal parti prenne des dispositions pour redresser la barque nationale. Pourtant, les difficultés conjoncturelles s’ajoutent régulièrement aux structurelles pour aggraver la situation. Nous pouvons prendre un exemple récent pour mieux nous faire comprendre. La saison des pluies s’annonce à peine et déjà, nous comptons une victime en vie humaine et des dégâts matériels conséquents. Ces nouvelles catastrophes sont survenues dans la région de Petit -Goâve et de Léogane à quelques kilomètres de Port-au-Prince. Quelque 30 minutes de pluie au cours de ce même mois d’avril avant l’ouverture du sommet, suffisaient pour paniquer cette tranche de la population. Les plaies des dégâts causées par les cyclones de l’année dernière et même des années d’avant, ne sont pas encore pansées que d’autres s’y amoncellent. Point n’est besoin, en ce sens, de signaler d’autres paramètres qui caractérisent notre condition d’appauvrissement.

La majorité du peuple haïtien ne s’enfonce dans aucun signe d’amélioration. Le dernier film de Raoul Peck, ce grand cinéaste haïtien de réputation internationale, nous a permis avec une grande lucidité de suivre le chemin des milliards de dollars offerts à Haïti après le terrible tremblement de terre du 12 janvier 2010. La fidélité au duvaliérisme désuet et assassin de l’actuelle équipe dirigeante n’en est pas plus prometteuse. Elle envoie plutôt un signe de détresse à toutes celles et à tous ceux qui se sont laissés emportés par le découragement. Et les prochaines élections qui sont prévues pour la fin de cette année sont pleines d’embûches et couvent même le risque de déboucher sur de nouvelles calamités dont les plus démunis seront les plus touchés. C’est pourquoi nous interrogeons la raison d’être du sommet alors que les interventions sont portées sur des problèmes communs à toute la région sans un accent particulier sur les nôtres. La grande note positive à relever est la demande de la levée de l’embargo imposée sur Cuba par les États-Unis depuis plus de cinquante années.


Remplacer progressivement le discours intéressé de l’Haïti « chaotique », « ingouvernable » par un autre qui répondrait mieux aux désidératas des masses populaires est-il possible pendant que parallèlement le statu quo reste inébranlable? Il faudrait s’attendre de préférence à un mouvement inversement proportionnel c’est-à-dire à un mouvement où pendant que la bonne politique sans démagogie populiste s’impose, elle chasse la mauvaise pratique biséculaire qui a toujours caractérisé la vie nationale. Seules les masses populaires organisées peuvent atteindre cet objectif.