Campagne contre le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement mondiales du secteur agroalimentaire
Notre campagne contre le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement mondiales dans l’industrie agroalimentaire est maintenant lancée!
La mission de notre organisation est de développer la solidarité internationale en renforçant les liens entre les travailleuses et travailleurs d’ici et d’ailleurs en lutte pour le respect de leurs droits, pour de meilleures conditions de travail et pour l’instauration d’une société plus juste et démocratique. Notre campagne sur le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement de l’industrie agroalimentaire constitue ainsi un prolongement de notre travail passé relatif à la mise en oeuvre de politiques d’approvisionnement responsable (PAR), depuis 2007. Nous sommes la première organisation au Canada à avoir mobilisé organismes, entreprises et syndicats autour des PAR. Ces démarches sont d’ailleurs maintenant pratiques courantes dans les politiques de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Cette campagne touche d’ailleurs les engagements déjà adoptés par plusieurs distributeurs alimentaires au Québec.
Selon la Convention n° 29 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), le travail forcé est défini comme « tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel l’individu ne s’est pas offert de plein gré ». Toujours selon l’OIT, on retrouve dans l’industrie de l’agriculture et de la pêche 11% des personnes assujetties au travail forcé dans le monde, dont 59% sont des enfants. Nous avons choisi d’illustrer les conditions de travail déplorables et condamnables à partir de quatre cas :
Les petits fruits au Mexique : Le travail forcé dans la production
La majorité des travailleuses et travailleurs de ce secteur sont des personnes journalières (jornaleros) migrantes qui se déplacent selon les périodes de récolte. Ce sont des familles entières qui travaillent dans les champs, les parents comme les enfants, certaines depuis des générations. Dans certaines régions, elles sont forcées de vivre dans les champs, dans des conditions insalubres, dans lesquelles elles sont soumises à l’exposition aux produits chimiques, sans aucune protection.
De plus, une enquête menée par le Conseil citoyen pour les droits humains de Navolato dans l’État de Sinaloa a révélé la présence d’enfants travaillant dans les entreprises agricoles, et ce, en contravention avec les engagements du Mexique à l’égard de l’éradication du travail des enfants. Ces enfants sont des otages dans ces fermes alors qu’on recense des indices de traite de personnes mineures à des fins sexuelles. Il est aussi à noter que ces familles sont en relation de dépendance envers les propriétaires des champs puisque ceux-ci fixent le prix de la nourriture qu’elles sont forcées d’acheter à des prix exorbitants. À la fin de leur contrat, il ne leur reste souvent presque rien puisqu’ils doivent subvenir aux besoins de leur famille, ces personnes sont donc contraintes de continuer indéfiniment. Environ 80 000 travailleurs agricoles et leur famille sont exploités par des producteurs qui vendent leurs petits fruits à Driscoll’s, une multinationale agroalimentaire de la Californie dont plusieurs de leurs produits sont en vente au Québec.
Les crevettes en Thaïlande : l’exploitation des pêcheurs en mer
L’industrie de la crevette repose majoritairement sur le travail migrant en Thaïlande. Selon une enquête du Guardian, la main-d’oeuvre est « vendue » à des propriétaires de « chalutiers-boeuf de pêche hautière ». Les pêcheurs sont alors forcés de travailler jusqu’à 22 heures par jour et ce, dans des conditions d’esclavage moderne : ils sont mal nourris, ils subissent de la violence physique, leur mobilité est limitée voire condamnée une fois à bord du bateau, puisque les bateaux ne se mettent que rarement à quai. S’ils meurent en mer, leur corps est bien souvent jeté au large ou ils sont enterrés sous le couvert de l’anonymat lorsqu’ils sont malades ou morts d’épuisement. Malgré que la Thaïlande ait ratifié les Conventions 29 et 35 de l’Organisation Internationale du Travail relatives au travail forcé, nous retrouvons ces produits sur nos tablettes de supermarchés au Québec, et ce, en toute impunité face aux cas de violation de droits fondamentaux des pêcheurs de crevettes documentés.
Le cacao en Côte d’Ivoire: esclavage et travail des enfants relatif à la production
Bien que le travail des enfants soit officiellement interdit et sévèrement réprimé en Côte d’Ivoire, le tiers des travailleuses et travailleurs de l’industrie du cacao sont des enfants, pour une grande majorité de provenance d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest, tel que le Burkina Faso. Ces enfants sont considérés comme des biens de marchandise : ils sont vendus aux producteurs pour une modique somme et deviennent ensuite esclaves de ceux-ci. La rémunération des enfants se fait en nourriture lorsqu’ils sont jeunes, et en échange d’une parcelle de terre lorsqu’ils sont plus vieux. Dans ces plantations, les travailleuses et travailleurs utilisent des herbicides extrêmement dangereux pour leur santé et pour l’environnement. Le cacao ainsi cultivé est exporté par de grandes multinationales. Le cacao est ensuite revendu à des géants de l’agroalimentaire tels que Hershey’s, Nestlé et Mars, dont les produits se retrouvent actuellement partout dans nos commerces.
La tomate: l’or rouge de la Chine et de l’Italie
En Chine, des enfants travaillent dans les champs afin de participer à la récolte des tomates destinées à des entreprises multinationales étrangères. Ces enfants sont recrutés par des prestataires de service en main-d’oeuvre pour ensuite aller vivre dans des camps de travail. Ils travaillent avec des produits toxiques, et ce sans protection.
Il existe en Italie un système d’exploitation du travail, soit le Caporalato. Il s’agit d’une appropriation illégale du marché du travail. Les caporaux embauchent principalement des travailleuses et travailleurs migrant.e.s, souvent sans papiers. Les migrant.e.s ne sont pas libres de leurs choix ni de leurs mouvements. Leur situation les poussent à s’appauvrir pour assurer leur survie au sein de ce système d’exploitation impitoyable, dans lequel ils gagnent des salaires de misère, sans aucune protection sociale. Des travailleuses et travailleurs agricoles sont mort.e.s d’épuisement dans des champs; des syndicalistes ont été assassiné.e.s; des procès pour « traite humaine » ont eu lieu. Mais les grands industriels de la conserve et la distribution européenne n’ont pas démontré une réelle préoccupation à cet égard.
L’enquête mondiale menée par le journaliste français Jean-Baptiste Mallet révèle que les tomates issues de l’exploitation en Chine et en Italie, sont omniprésentes dans nos marchés. En effet, les compagnies de transformation de tomates d’industrie, tel que Cofco et sa filiale Tunhe, fournissent en concentré de tomates les plus grandes multinationales de l’agroalimentaire telles que Kraft-Heinz, Unilever et Pepsi Co.
Cette campagne vise à entrer en dialogue avec les principaux distributeurs alimentaires oeuvrant au Québec et à sensibiliser la population sur le travail forcé et les moyens d’agir pour y mettre fin. Nous rendrons ainsi publics les informations obtenues de chacun des fournisseurs quant à leur contribution au respect des droits des travailleuses et travailleurs dans le monde.
Pour en savoir plus sur nos recherches et sur les actions proposées, consultez la page de la campagne et notre page Facebook.